Haïku

vent d’automne
à ma manche s’accroche
un petit papillon

Issa (Japon, 19è)

Concentré de sens et concentré littéraire, le poème japonais haïku est la spécialité de L’iroli. Sans rime et sans effets de style, ses quelques syllabes (17 maximum…) en font un cadre magique pour accueillir l’expérience de l’instant présent.
Le haïku me plaît parce qu’il se partage facilement, vu sa petite taille. On dit d’ailleurs que le haïku n’existe que lorsqu’il est partagé et apprécié par les lecteurs. Le partage est d’autant plus facile que le haïku se traduit relativement bien dans les autres langues.
J’aime son ancrage dans la vie quotidienne, son goût pour la nature et les choses en apparence insignifiantes, la discipline d’observation et de concentration qu’il impose, et le lien qui crée avec les choses et les gens.
Et puis le haïku invite à écrire : vie et écriture se stimulent mutuellement… En classe, avec des publics de tous les âges, le haïku est une expérience extraordinaire où les élèves que l’on croit en difficulté se révèlent. On peut faire beaucoup de choses avec ce poème !

Chewing cabbage
I can’t hear my son
speaking of galaxies

Mâchant du chou
Je ne peux pas entendre mon fils
parler de galaxies

Mascando col
no puedo oir a mi hijo
hablar de galaxias

 Ce haïku a reçu un prix de la ville de Matsuhima en 2015.
En savoir plus sur le haïku : Association francophone de haïku
Voir le site très complet de Serge Tomé : www.tempslibres.org


Haïkus et dessins à l’encre

Au Lycée professionnel Jules Verne de Grandvilliers (Oise), dans le cadre de Jeunes en Librairie (merci l’asso  Libr’aire  !), J’ai fait écrire des haïkus à une classe de Cécie Fréville puis nous les avons illustrés.

L’atelier s’est passé en 3 séances :
Pendant la première, je présente le poème japonais, en lisant et en faisant lire, puis nous ne tardons pas à sortir, pour une petite balade. Dans ce lycée, il y a un très beau potager créé par Aurélien Manier, le documentaliste, et d’autres enseignants et les élèves. Il est dessiné en forme d’étoile avec, au centre, une petite pièce d’eau. Chaque branche de l’étoile a une composition différente qui craque plus ou moins sous nos pas: écorces d’arbres, briques en morceaux, tuiles écrasées, paille. Et comme le printemps commençait, il y avait tout ce qui poussait: violettes, arums, petites feuilles aux branches du saule pleureur. Et en plus, tout ce qui avait résisté à l’hiver: quelques choux frisés avec au centre, un diamant de pluie de la veille, quelques feuilles de blettes. Pendentif la visite du potager, nous avons pris des notes de tout ce que nous voyions, entendions, sentions. Par exemple, les chatons du noisetier que les élèves ne connaissaient pas, ou les fleurs de forsythia et leur orthographe et la feuille qui roule en raclant le bitume (signe qu’il fait sec et beau) et, derrière le grillage du collège, ce camion bleu ou ce rap qui passe avec deux élèves.

A la deuxième séance, nous avons mis en forme les haïkus en suivant la structure court-long-court.
J’aime commencer par faire dessiner les trois lignes à main levée sur une feuille, format paysage. Le résultat est toujours différent: autant de présentations possibles que d’élèves.
Puis tout le monde lit ce qu’il.elle a écrit avant de choisir les observations qui pourront donner des haïkus.
Les élèves qui étaient absents à la balade, écrivent avec ceux qui se trouvent sous leurs yeux aujourd’hui: autour de soi et bien sûr par la fenêtre. L’éolienne au loin, les troncs entourés (on cherchera des synonymes:  étreints, enserrés , etc.) par le lierre, ce pigeon ramier qui se pose sur une branche, etc.

Lors de la troisième et dernière séance, nous sortons les pinceaux et l’encre de Chine. Je leur montre des livres avec des dessins de branches d’arbres en fleurs. Vous voyez comment la branche pousse, la base est plus large, rugueuse, on pourrait dire tortueuse, alors que les branches sont de plus en plus fines, poussent plus vite. C’est là qu’il est intéressant de prendre son temps pour le tronc qui a mis des dizaines d’années à pousser avant brindilles qui, elles, doivent êtres tracées d’un mouvement plus vif et léger. Nous finissons par des notes de couleur, pour quelques fleurs, ou alors les cheveux du saule pleureur.
À la fin, les élèves ont pris des photos de leurs œuvres et, en les regardant, ils trouvent que c’est beau !