Sur le trottoir de ma ville, ce jeudi d’avril* et d’oiseaux, un homme et une femme avancent très lentement. Je les dépasse, en chemin vers la Maison de la presse. Chapeau et lunettes de soleil, je vais commander un livre de texte de français (Caravelle CM2, Editions Belin) où paraît, dans un dossier sur la Poésie, un très beau haïku publié par L’iroli. On compare son auteur, Ryu Yotsuya à… Apollinaire !

        C’est alors que le couple de tout à l’heure, celui qui marchait à contre-cœur, rentre dans la Maison de la presse comme sur une scène de théâtre. Je reconnais la jeune femme : c’est une poétesse qui m’avait montré ses textes il y a longtemps. Je lui avais donné quelques conseils. En tremblant, en balbutiant, la voilà qui s’adresse à son tour au libraire ; elle semble s’excuser de quelque chose et je prête l’oreille, profondément curieuse de tout ce qui touche à l’écriture et aux livres… Je comprends qu’elle n’aurait pas donné suite à la démarche pour une future dédicace de son livre. Elle a donc réussi à se faire publier et, maintenant, elle redoute tout autant qu’elle espère (l’un à cause de l’autre sans doute) la rencontre avec les lecteurs, ces anges rares qui viendraient se percher, se pencher, sur ses poèmes…

        Je comprends son désarroi car je le connais aussi. Qu’il est difficile d’attendre, à côté de tes propres livres, le chaland qui viendra peut-être s’intéresser à cette chose née de toi, de ton corps et de ton temps intime, quelque chose d’aussi précieux, sinon plus, que ton propre enfant ?

        Ah, les rares moments de grâce où celui-celle qui écrit rencontre, comme par magie, directement, ses lecteurs… Une poignée d’amis lecteurs : c’est du miel, et cela suffit. On se sent heureux comme une ruche pleine !

        Et voici le haïku de Ryu, traduit en français par lui-même :

Le cœur palpite
jusqu’à ce que le ciel
soit plein d’hirondelles **

          Ryu YOTSUYA

        Je poste ceci ce 10 octobre, alors que nos hirondelles sont bel et bien parties de notre garage…

        Pour aller où ? Bel automne à vous !

isabel Asúnsolo, *ce 23 avril et ce 10 octobre 2022

** Les Herbes m’appellent, de Ryu Yotsuya, Niji Fuyuno, avec Thierry Cazals, chez L’iroli, est toujours disponible.