Api-poète…

Je réfléchis toujours à l’éphémérité des choses le mot éphéméride surgit, ah tiens, je n’avais pas fait le lien… Je marche dans Beauvais, je vais au marché avec mon caddie rose ce samedi 26 février. Hier j’ai écrit Zéro stock, Tout doit disparaître !, et aujourd’hui je pense… Tout va disparaître ! Il y a une nuance ; c’est ça l’éphémère.

J’ai enlevé mon masque pour mieux regarder les signes du printemps et je porte du rouge à lèvres, détail important, ce rouge oublié par Chiyo-ni quand elle buvait à la source dans son haïku. Je le retraduis aujourd’hui, à partir du japonais, à la source, donc…

紅さいた口 もわするる しみづかな

Mon rouge à lèvres
oublié…
L’eau de la source !

(CHIYO-NI, trad i. Asúnsolo)


Quand j’étais ado, ma grand-mère française m’avait dit : Tout ça va disparaître. Elle avait, en disant ça (je portais un pantalon en velours côtelé couleur moutarde, je me souviens), désigné mes cuisses que j’avais fort musclées. Il y avait dans la famille une tendance à l’anorexie : rien ne devait déborder.

Pourquoi je pense à ça ? Peut-être parce que les Beauvaisiennes sont sorties en mini-jupes avec des collants noirs translucides sur leurs bottines. C’est ça aussi, le printemps…

Ma grand-mère avait dit cette phrase et elle avait raison même si tout ça n’a pas encore disparu (alors que j’attends, lapsus ! j’atteins… un âge raisonnable, moins pléthorique) et je pense à la disparue en souriant. Et bien sûr je pense aussi à la poétesse japonaise qui s’est précipitée pour boire l’eau fraîche comme s’il y avait urgence… et qui a écrit son haïku il y a quelque quatre cents ans.

Dans mon caddie rose, je porte un livre commandé par le fromager Jean-Marie, créateur de la fameuse tomme au foin  qui vient d’être grand-père : La Rumeur du coffre à jouets, le fameux collectif trilingue de L’iroli, toujours disponible.

(Hier, tu voulais tout bazarder et aujourd’hui tu changes d’avis !)

J’ai collé une violette sur l’enveloppe recyclée que je remets à l’employée fromagère puis je repars, vers ma picasso où m’attend ma tenue apicole…

Pour quoi faire à votre avis ? Pour me rendre au rucher, dame, et inspecter les abeilles !

Si la chose vous intéresse, voici : les abeilles d’hiver vivent environ six mois. Elles sont un peu plus dodues que les autres pour passer l’hiver qu’elles affrontent en faisant une boule ou « grappe » dans la ruche… Ces abeilles laisseront bientôt la place aux nouvelles, les abeilles de printemps-été qui, elles, ne vivront que six semaines et seront remplacées à leur tour par d’autres qui ne vivront que six semaines… et ainsi de suite.

Avec ma tenue blanche, je m’approche de la ruche la plus délicate, celle qu’une tempête en janvier avait renversée, la mettant panse à l’air, panza arriba… Je constate que non seulement toutes les ruches arborent un nuage d’abeilles bien actives devant le plancher de vol mais que la plupart rentre avec leur butin accroché aux pattes…

C’est le signe tant attendu que la reine s’est remise à pondre !

Ces butineuses vivent donc leurs derniers jours et s’activent consciencieusement au soleil de février. Elles vont disparaître, oui, mais elles laisseront la place à la nouvelle génération en un savant glissement.

Je ne peux que les admirer… Je n’ai pas grand chose d’autre à faire !

Oubliant le temps
Blanc nacré, jaune et orange…
Le pollen aux pattes !

Si les haïkus et les fabuleuses abeilles vous intéressent, le prochain numéro de la revue Gong de l‘Association francophone de haïku (n°75, parution en avril) leur est consacré.

isabel Asúnsolo, api-poète,
ce 26 février 2022 (sur la photo je peins les tiroirs des ruches)

Articles récents